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Archéologie poitevine
12 décembre 2010

Poitiers (86), laïcité et monuments anciens, laicité et monuments publics...

Le problème de la croix surplombant la future cité judiciaire continue de faire réagir. Extraits d'un courrier adressé à La Nouvelle République par Y.B. Brissaud, auteur de « Patrimoine de Poitiers ».

Le débat passionné qui agite le microcosme poitevin sur la pertinence de la présence d’une croix au sommet de la façade du futur palais de justice n’est que le reflet d’une richesse patrimoniale née de strates historiques à mes yeux plus complémentaires que contraires.

Que les divers intervenants à ce débat le veuillent ou non, ils sont, à leur choix, bénéficiaires ou tributaires d’un passé qui a laissé des traces autant physiques que philosophiques. Pendant un millénaire le pouvoir a été inspiré par une idéologie judéo-chrétienne fondée sur le Décalogue et le principe d’amour du prochain auquel a succédé un système démocratique issu de la pensée philosophique fondé sur les principes d’égalité et de fraternité. Qu’on y voit ou non une opposition, ces deux sources fondatrices n’ont pu que marquer indélébilement l’architecture comme les esprits.

La salle des pas perdus de l’actuel palais de justice est dominée par les statues du roi Charles VI et du prince Jean de Berry dont les blasons fleurdelisés ornent la grande cheminée. Au fronton de son entrée sont figurées les grandes armes couronnées du roi Louis XVIII. A-t-on jamais entendu dire qu’un quelconque Républicain, si bon teint fut-il, ait jamais refusé d’utiliser un palais si marqué par les symboles des deux monarchies de l’Ancien régime et de la Restauration ?

En s’installant dans l’ancien Collège des Jésuites le nouveau palais devra en revêtir les habits et souffrir par la force des choses qu’un emblème religieux continue à en couronner la façade historique. Qui peut raisonnablement penser que ce respect de l’histoire du bâtiment soit de nature à déstabiliser les plaideurs et à infléchir le cours de la jurisprudence ?

Et si cela peut consoler les esprits chagrins, cette exception visuelle à la laïcité ne sera pas tout à fait pas unique : trois chambres de la Cour d’appel de Bordeaux, elles aussi classées monument historique, sont dominées par une grande peinture d’un Christ en croix. Et si cela peut aussi inspirer les mêmes, qu’ils sachent que sous la Terreur les assemblées révolutionnaires de Poitiers se sont tenues dans la chapelle de l’autre collège des Jésuites, le collège Henri-IV, sans que son décor religieux, pourtant outré, en ait souffert ? Les Poitevins de 2010 seraient-ils moins tolérants à cet égard que leurs ancêtres de 1793 qui contribuèrent à fonder notre démocratie laïque ?

Ajouter un bâtiment à l’iconographie moderne

Les iconoclastes qui proposent de jeter à bas la croix de l’ancien collège Saint-Joseph ont tort sur ce point. Ils ont cependant raison sur un autre : il est souhaitable que la fonction d’un monument public, et en premier lieu d’un palais de justice, soit désignée par son architecture.?La solution de ce faux problème n’est-elle pas d’ajouter aux strates historiques une strate contemporaine ? Les bâtiments anciens du nouveau palais de justice devront être augmentés d’une nouvelle entrée monumentale ou d’une extension signifiante, si possible dotée d’un programme iconographique qui ne devra laisser aucun doute sur la nouvelle fonction des lieux. Cette nécessité pourrait d’ailleurs donner lieu à un concours dont les projets seraient soumis à l’appréciation des Poitevins.?Nouvelle occasion alors pour ceux-ci d’en débattre.

Y.B. Brissaud
auteur de « Patrimoine de Poitiers »

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