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Archéologie poitevine
8 janvier 2011

Comment Poitiers a raté le siècle des Lumières

Comment Poitiers a raté  le siècle des Lumières

Jacques Marcadé brosse chez Geste éditions un portrait sans concessions de Poitiers à l’époque des Lumières.  

C’est la thèse que développe Jacques Marcadé dans son dernier ouvrage consacré au Poitiers du dix-huitième siècle. Édifiant.

Certaines villes ont leurs légendes dorées. D’autres en ont une noire. Pendant des siècles (est-ce bien fini ?) Poitiers a eu la sienne, forgée à la fois par les écrivains et les voyageurs. « Sage, sale et savante » écrivaient certains au fil de pages peu amènes pour la ville aux cent clochers. Au XVIIIe siècle, quand dans le bon royaume de France les idées prérévolutionnaires germent dans les têtes, quand Tours, Châtellerault, Niort ou La Rochelle empruntent la route du progrès, « Poitiers stagne ».

C’est l’idée conductrice du dernier ouvrage de Jacques Marcadé, professeur honoraire d’histoire moderne à l’université de Poitiers.

Une ville sans dynamisme

Fruit de ses propres recherches et des travaux de ses étudiants, Poitiers au siècle des lumières dresse un portrait peu flatteur de la ville, « encore enserrée dans ses murailles médiévales », aux rues peu sûres, bref « une ville de prêtres et de rentiers pour lesquels travaille le reste de la population ». Tout au long des 170 pages de son livre, Jacques Marcadé décrit une ville sans industrie, sans commerce, où nobles et détenteurs d’offices tiennent le haut du pavé, sans oublier les ecclésiastiques, près de 5 % de la population. A l’époque, Poitiers compte à peine plus de 20.000 habitants… « Après avoir été une grande capitale au Moyen Age, Poitiers devient une capitale administrative qui stagne tout le temps avec ses rentiers du sol, ses bourgeois et ses nobles qui vivent de leurs propriétés foncières » commente l’historien. Les grandes initiatives sont rares. On note quelques velléités de créer des manufactures mais souvent les projets avortent. La topographie de la ville ne s’y prête pas (mauvaise qualité des voies de communication, ponts et portes de villes trop étroites) mais aussi et surtout un état d’esprit particulier à la ville. « Les échevins préfèrent rester dans leurs fêtes, la société est très hiérarchisée, chacun doit rester à sa place » relève l’auteur. Du côté des intellectuels (Poitiers possède pourtant depuis 1431 une grande université) c’est un peu l’encéphalogramme plat. Pas ou peu d’esprits émergent en ce siècle où les Diderot, Voltaire, Rousseau ou d’Alembert enflamment les têtes. Et puis il y a toute cette misère qui se masse dans et aux portes de la ville « peut-être un cinquième de la population » note Jacques Marcadé, « des compagnons de métiers, des ouvriers agricoles. Ce qui m’a frappé en dépouillant les archives c’est de voir combien d’héritiers refusaient l’héritage parce que ce n’étaient que des dettes ! ».

Il faudra attendre 1790 et l’avènement des départements pour que la ville change un peu. Et encore. Elle ne se dotera d’un réel plan d’urbanisme qu’en 1840.

Encore un peu plus tard, vers 1867, Poitiers ne s’était pas encore débarrassée de sa légende noire. Un Poitevin célèbre, Arthur Ranc, habitant la place du Pilori, écrivait à son tour : « Poitiers était naturellement une vieille ville. Il semblerait qu’elle eut toujours été la même et ne voulût jamais changer. » Tout est dit.


La capitale du Poitou-Charentes en pleine «Lumières». Comme toutes les villes françaises, Poitiers a connu de très importantes transformations au XVIIe siècle. Sa réputation, à l’aube de ce siècle, est médiocre car elle ne parvient pas à rivaliser avec de grandes villes comme Bordeaux, ni même à concurrencer sa voisine : La Rochelle, bien plus riche et marchande. Elle est surnommée « ville sainte, ville savante » à cause de sa forte concentration de prêtres et de rentiers. Au cours du siècle des Lumières, Poitiers devra résoudre un double problème : une vie économique étriquée et une population à la limite de la misère. L’analyse scientifique de ce professeur d’histoire moderne nous éclaire sur les enjeux de ces transformations, les évolutions qu’elles ont entraîné et les retentissements dans les siècles suivants. Un texte rigoureux et précis pour tout connaître de la vie pictavienne du XVIIIe siècle.

Geste éditions
2010
16,5 x 24 cm
édition brochée
224 pages
LUP 913
ISBN 978-2-84561-719-3
20€

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