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Archéologie poitevine
14 janvier 2011

Niort (79), une oeuvre artistique unique en son genre ... en péril !

Pour aménager un loft dans l'ancien carmel de Niort (Deux-Sèvres), une œuvre inspirée de la Shoah va être murée. Le plus ancien musée d'art sacré en France réclame son sauvetage.

Une œuvre artistique unique, menacée de disparition sur Niort pourrait-elle être sauvée ? C'est le signal d'alarme que tire aujourd'hui le musée du Hiéron à Paray-le-Monial, en Bourgogne, le plus ancien musée d'art sacré de France. L'œuvre est située dans l'ancien carmel de la rue de Strasbourg, que les religieuses ont quitté fin 2009 après avoir vendu le site historique à un promoteur : il s'agit d'un gigantesque Y, initiale de Jésus en hébreu, comme une cicatrice tracée dans le mur de la chapelle. Une création signée de Thomas Gleb, sculpteur et tapissier dont on peut admirer les créations au centre Georges-Pompidou ou aux Gobelins à Paris. L'œuvre et la chapelle ont été inaugurées le 10 juin 1979.

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Le promoteur, la société rochelaise Espace Investissement, est en train de transformer l'ancien couvent en résidence de 44 logements. Dont un loft de standing à l'intérieur de la chapelle. L'œuvre de Thomas Gleb va disparaître aux regards, occultée derrière une cloison en plaques de plâtre.

'' Les acheteurs vivront avec un cadavre dans le placard ''

« Sans solution de sauvegarde, les acheteurs du loft vivront avec ce que l'on nomme communément '' un cadavre dans le placard '' », s'émeut le musée de Paray-le-Monial : cette œuvre en forme de déchirure, laissant entrevoir un fond rouge sang, évoque un cri de douleur inspiré par la Shoah.
Le musée se dit prêt à en assurer la dépose et à la réinstaller dans ses murs où une place est déjà prévue. Une proposition bien tardive, regrette-t-on chez Espace Investissement : les travaux sont déjà en cours, et ce n'est pas faute d'avoir alerté dès le départ sur le problème : « Dès que nous nous sommes portés acquéreurs, nous sommes entrés en contact avec toutes les autorités en charge de la protection du patrimoine pour voir quelle solution trouver. Pendant les deux années entre l'acquisition et le début des travaux, personne n'a bougé. Nous avions pourtant donné une date-butoir. »
Autre souci : démonter l'œuvre serait impossible sur le plan technique. « Elle est réalisée dans l'enduit qui recouvre un mur de parpaings. On ne peut pas emporter le mur. Ni le découper : les parpaings voleraient en éclats. » D'où ce compromis : ne pas détruire l'œuvre, mais la masquer.
« Notre proposition arrive tardivement, c'est vrai, admet Dominique Dendraël, conservatrice du musée. Mais je n'ai eu connaissance du dossier que l'été dernier. Quant à la difficulté pour déposer l'œuvre, nous sommes prêts à faire une expertise technique. Cette œuvre mérite qu'on se batte jusqu'au bout. »


Les œuvres de Thomas Gleb (1912-1991) sont visibles à Beaubourg mais aussi au musée Jean-Lurçat de la tapisserie contemporaine à Angers, où cinq salles lui sont consacrées.
Thomas Gleb est né à Lodz en Pologne dans une famille juive. Il y commence une activité de dessinateur et de peintre. En 1932, il arrive à Paris, réalise des décors et costumes de théâtre. Pendant la guerre, sa famille restée en Pologne, périt dans le ghetto de Lodz. Gleb entre dans l'armée française puis la Résistance. Après guerre, peintre, sculpteur, il se tourne aussi vers la tapisserie. En 1977, lorsque les carmélites de Niort rénovent la chapelle de leur couvent, elles font appel à lui. Un choix œcuménique : accueillir dans un lieu religieux catholique une œuvre empreinte de symbolique juive.


Sources : La Nouvelle République, 13 janvier 2011


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