Niort (79), une oeuvre artistique unique en son genre ... en péril !
Une œuvre artistique unique, menacée de disparition sur Niort
pourrait-elle être sauvée ? C'est le signal d'alarme que tire
aujourd'hui le musée du Hiéron à Paray-le-Monial, en Bourgogne, le plus
ancien musée d'art sacré de France. L'œuvre est située dans l'ancien
carmel de la rue de Strasbourg, que les religieuses ont quitté fin 2009
après avoir vendu le site historique à un promoteur : il s'agit d'un
gigantesque Y, initiale de Jésus en hébreu, comme une cicatrice tracée
dans le mur de la chapelle. Une création signée de Thomas Gleb,
sculpteur et tapissier dont on peut admirer les créations au centre
Georges-Pompidou ou aux Gobelins à Paris. L'œuvre et la chapelle ont été inaugurées le 10 juin 1979.
Le promoteur, la société rochelaise Espace Investissement, est en train de transformer l'ancien couvent en résidence de 44 logements. Dont un loft de standing à l'intérieur de la chapelle. L'œuvre de Thomas Gleb va disparaître aux regards, occultée derrière une cloison en plaques de plâtre.
'' Les acheteurs vivront avec un cadavre dans le placard ''
« Sans solution de sauvegarde, les acheteurs du loft vivront avec ce que l'on nomme communément '' un cadavre dans le placard ''
», s'émeut le musée de Paray-le-Monial : cette œuvre en forme de
déchirure, laissant entrevoir un fond rouge sang, évoque un cri de
douleur inspiré par la Shoah.
Le musée se dit prêt à en assurer la dépose et à la réinstaller dans ses
murs où une place est déjà prévue. Une proposition bien tardive,
regrette-t-on chez Espace Investissement : les travaux sont déjà en
cours, et ce n'est pas faute d'avoir alerté dès le départ sur le
problème : « Dès que nous nous sommes portés acquéreurs, nous sommes
entrés en contact avec toutes les autorités en charge de la protection
du patrimoine pour voir quelle solution trouver. Pendant les deux années
entre l'acquisition et le début des travaux, personne n'a bougé. Nous
avions pourtant donné une date-butoir. »
Autre souci : démonter l'œuvre serait impossible sur le plan technique. « Elle
est réalisée dans l'enduit qui recouvre un mur de parpaings. On ne peut
pas emporter le mur. Ni le découper : les parpaings voleraient en
éclats. » D'où ce compromis : ne pas détruire l'œuvre, mais la masquer.
« Notre proposition arrive tardivement, c'est vrai, admet Dominique Dendraël, conservatrice du musée. Mais
je n'ai eu connaissance du dossier que l'été dernier. Quant à la
difficulté pour déposer l'œuvre, nous sommes prêts à faire une
expertise technique. Cette œuvre mérite qu'on se batte jusqu'au bout. »
Les œuvres de Thomas Gleb (1912-1991) sont visibles à Beaubourg mais
aussi au musée Jean-Lurçat de la tapisserie contemporaine à Angers, où
cinq salles lui sont consacrées.
Thomas Gleb est né à Lodz en Pologne
dans une famille juive. Il y commence une activité de dessinateur et de
peintre. En 1932, il arrive à Paris, réalise des décors et costumes de
théâtre. Pendant la guerre, sa famille restée en Pologne, périt dans le
ghetto de Lodz. Gleb entre dans l'armée française puis la Résistance.
Après guerre, peintre, sculpteur, il se tourne aussi vers la tapisserie.
En 1977, lorsque les carmélites de Niort rénovent la chapelle de leur
couvent, elles font appel à lui. Un choix œcuménique : accueillir dans
un lieu religieux catholique une œuvre empreinte de symbolique juive.
Sources : La Nouvelle République, 13 janvier 2011