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Archéologie poitevine
3 mai 2013

Félicie de Fauveau (1801-1886), l’amazone de la sculpture

http://www.latribunedelart.com/felicie-de-fauveau-1801-1886-l-amazone-de-la-sculpture

Les Lucs-sur-Boulogne, du 16 février au 19 mai 2013.
Paris, Musée d’Orsay, du 10 juin au 15 septembre 2013.

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1. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Fondu par Jean-Honoré Gonon (1780-1850)
Lampe de l’archange saint Michel, 1832
Bronze patiné, doré, argenté
et peint, verre, lapis - 90 x 34 x 3,6 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : Musée d’Orsay/P. Schmidt

Nous avons déjà, à deux reprises, évoqué l’exposition que consacre l’Historial de Vendée à Félicie de Fauveau (voir ici et ici), l’un des meilleurs sculpteurs français du XIXe1. On sait ce que le cinéma a apporté à Camille Claudel, l’autre grande femme sculpteur de ce siècle, en terme de notoriété. Indiscutablement, la vie aventureuse de Félicie mériterait d’être portée à l’écran ce qui, couplé à son talent, pourrait lui permettre d’être célèbre en dehors d’un cercle restreint d’amateurs. Mais il est à craindre que son combat ne soit pas, de nos jours, très politiquement correct, puisqu’il fut entièrement dédié à la cause royaliste, participant même de manière active à la révolte de 1832 ayant pour but de mettre sur le trône, à la place de Louis-Philippe, le jeune duc de Bordeaux.

Quoi qu’il en soit, l’exposition vendéenne est en tout point remarquable. Elle bénéficie d’abord d’une superbe muséographie due essentiellement au directeur du lieu, et commissaire de l’exposition, Christophe Vital. On peut tourner autour des rondes-bosses afin d’en admirer tous les côtés, et la couleur mauve des murs se marie harmonieusement avec les marbres et les bronzes. Il faut espérer que le Musée d’Orsay qui, en dépit de la chronologie (l’artiste, par ses dates, relève plutôt du Louvre), présentera bientôt cette rétrospective, saura mettre ainsi en valeur les œuvres de Félicie2.
Car - et c’est le plus important - Félicie de Fauveau est réellement une artiste de premier plan, pas inférieure aux meilleurs sculpteurs romantiques dont certains ont bénéficié très récemment d’expositions monographiques, tels Triqueti et Rude.

Son engagement politique, en revanche, en fait un peu une exception dans le monde des sculpteurs de cette époque. La plupart en effet se rallièrent très tôt à Louis-Philippe, la famille d’Orléans leur servant souvent de mécènes.
Rien de tel pour Félicie qui, une fois la tentative de coup d’État terminée, préféra s’exiler à Florence où elle termina sa vie, multipliant les portraits de monarchistes, les œuvres religieuses ou la création d’objets d’art extravagants (comme la lampe de Saint Michel - ill. 1 - récemment acquise par le Louvre et qui figure en bonne place dans l’exposition), sans toutefois oublier sa Vendée natale.
C’est d’ailleurs sur cet aspect particulier de la vie et de l’œuvre de l’artiste que s’attache l’ouvrage publié par l’Historial. On y trouve des essais consacrés à ce sujet et une simple liste des objets exposés. C’est le Musée d’Orsay qui a pris en charge la monographie plus générale accompagnant l’exposition et, malheureusement, on y retrouve le même défaut que pour la plupart de ceux qu’il a publiés récemment : une absence totale de notices, le catalogue proprement dit (si on peut l’appeler ainsi) se résumant en réalité à un album d’images des œuvres exposées. Fort heureusement, ce second ouvrage comprend un grand nombre d’essais très instructifs qui compensent en partie ce défaut - mais en partie seulement.3.


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2. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Autoportrait à la levrette, 1846
Marbre
Potsdam, Stiftung Preussische
Schlösser undd Gärten
Photo : D. Lindner
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3. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Portrait en buste de la marquise de Boccella, 1851
Marbre
Collection particulière
Photo : Didier Rykner

Le parcours commence avec un Autoportrait en marbre de l’artiste, accompagnée de son chien (ill. 2). Ceux qui ne connaissaient pas l’apparence physique de Félicie (que l’on voit aussi dans un fusain récemment acquis par l’Historial), la déception peut être réelle. On pouvait s’imaginer - c’était notre cas - une jeune fille diaphane, mêlant les qualités de Jeanne d’Arc à celles de Marie d’Orléans. Il n’en est rien : Félicie de Fauveau est une rude matrone, assez peu féminine, bien loin de l’héroïne romantique telle qu’on se la représente.
Son art, en revanche, est tout en délicatesse. On ne sait qu’admirer le plus, de ses bronzes finement ciselés dont l’un des plus beaux exemples, outre la lampe déjà citée, est le splendide Hausse-col de la duchesse de Berry récemment acquis par l’Historial, à ses portraits en marbre (elle n’en réalisera qu’une quinzaine) qu’elle exécuta pour la plupart une fois arrivée à Florence (ill. 3) et qui montrent indiscutablement une forte influence de la Renaissance italienne, tout en témoignant également, comme nous le signale le catalogue, d’un goût très médiéval pour les attributs identifiant le modèle (« Le portrait, chez Félicie, se lit autant qu’il se regarde »). La plus grande originalité de ces œuvres tient sans doute au cadre qui les entoure, représentant parfois une coquille, parfois un cuir enroulé, parfois encore une architecture.


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4. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Bénitier de Saint Louis, vers 1840
Marbre, rehauts d’or et de couleur
Florence, Palazzo Pitti
Photo : A. Quattrone, Florence
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5. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Christ en croix, 1857
Bois
Collection particulière
Photo : Didier Rykner

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6. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Christ en croix, détail, 1857
Bois
Collection particulière
Photo : Adrien Goetz

Les fonds d’architecture sont également souvent utilisés par Félicie de Fauveau pour ses œuvres religieuses. L’exposition montre plusieurs exemples de bénitiers (ill. 4), où une sculpture en très haut relief se détache sur un cadre sculpté et architecturé, d’inspiration là encore partagée entre le Moyen-Âge et la Renaissance.
Mais l’œuvre la plus belle est sans doute son Christ en croix (ill. 5), une sculpture en bois conservée dans une chapelle privée. Ce Christ n’a pas seulement souffert d’avoir été crucifié : il présente aussi d’autres stigmates, un nombre considérable de trous de vers (ill. 6) qui montrent dans quelles conditions il était (il est ?) conservé. On ne saurait imaginer sculpture plus émouvante. Menacée de disparition puis sauvée grâce à la restauration effectuée pour l’exposition, elle est aussi le symbole de tous ces chefs-d’œuvre inconnus qui disparaissent parfois dans l’indifférence générale, mais que l’histoire de l’art peut contribuer à sauver.


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7. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Anges, 1857
Crayon rehaussé d’aquarelle
Ecosse, The Earl of Crawford and Balcarres
Photo : National Library of Scotland
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8. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Christ en croix, détail, 1857
Bois
Collection particulière
Photo : Adrien Goetz

On notera aussi que les trois anges figurant aux trois extrémités supérieures de la croix sont préparés par de beaux dessins (ill. 7 et 8) provenant d’un important album conservé en Écosse, Félicie de Fauveau ayant travaillé pour Alexander Lindsay, Earl of Crawford.

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9. Félicie de Fauveau (1801-1886)
Sainte Elisabeth de Hongrie, 1846
Marbre
Saint-Pétersbourg, Musée-réserve d’État de Peterhof
Photo : D. R.

Signalons aussi (l’exposition est tellement belle qu’on voudrait parler de tout) une grande sculpture en ronde-bosse représentant Sainte Elisabeth de Hongrie (ill. 9), et un projet pour une fontaine indiquant que l’œuvre est de Félicie et Hippolyte de Fauveau. On apprend ainsi que son frère l’assista dans la réalisation de nombreuses œuvres, allant jusqu’à sculpter le marbre comme praticien, ce qui explique cette double attribution que l’on retrouve également pour un portrait de

L’exposition se conclut sur quelques bouts de cadre sculptés. Ils sont les restes de celui qui entourait L’Exécution de Lady Jane Grey de Paul Delaroche dont on sait qu’il avait été endommagé et cru perdu en raison d’une inondation. Le tableau a survécu, mais pas le cadre hélas. Il s’agissait d’une commande du comte Anatole Demidoff pour lequel Félicie de Fauveau réalisa tout un décor pour sa résidence de San Donato, dont une cheminée monumentale. Presque tout a disparu mais on pourra se consoler en allant à Londres, à la Wallace Collection, voir le grand Paolo et Francesca d’Ary Scheffer. Il conserve encore son cadre dessiné par Félicie mais n’a pu venir à l’exposition puisqu’il est interdit de prêt avec le tableau. Cela n’est pas très grave : les œuvres exposées à l’Historial, puis bientôt à Orsay, suffisent à notre bonheur.

Commissaires :Guy Cogeval et Christophe Vital (commissariat général), Sylvain Bellenger et Jacques de Caso (commissariat scientifique).

Collectif, Félicie de Fauveau et la Vendée, Somogy Editions d’Art, 2013, 80 p., 15 €. ISBN : 9782757206157.


Sous la direction de Sylvain Bellenger et Jacques de Caso, Félicie de Fauveau, l’amazone de la sculpture, Gallimard, 2013, 256 p., 45 €. ISBN : 9782070140084 .`


Informations pratiques  : Historial de la Vendée, 85170 Les Lucs-sur-Boulogne. Tél : + 33 (0)2 51 47 61 61 Ouvert tous les jours sauf le lundi, de 10 h à 19 h. Tarif : 8 € (tarif plein), 5 € (tarif  réduit).

Didier Rykner, jeudi 2 mai 2013

Notes

1Nous nous refusons à écrire « sculptrice », néologisme peu élégant.

2Notons toutefois qu’à l’Historial de Vendée, les œuvres de Félicie de Fauveau sont confrontées à celles d’autres sculpteurs romantiques, ce qui ne sera pas le cas à Paris.

3N’ayant eu en main que des épreuves, sans annexes, nous ne savons pas si celles-ci seront ou non complètes. Dans aucun des catalogues ne sont données les dimensions des œuvres, ce qui est tout de même très étonnant (nous ne les donnons donc pas nous même dans nos légendes, faute de les connaître).

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