Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Archéologie poitevine
22 août 2013

Les trous de Meschers

Publié le 22/08/2013 à 06h00 Par pierre tillinac

Avant de devenir à la mode, les grottes ont servi de refuge aux plus pauvres. Visite

Parmi la vingtaine de grottes creusées dans la falaise, seules celles de Matata et Régulus sont ouvertes au public.
Parmi la vingtaine de grottes creusées dans la falaise, seules celles de Matata et Régulus sont ouvertes au public. (photo Guillaume Bonnaud)

De la route qui longe la falaise, bien sûr on ne voit rien ou presque. L’idéal, ce serait d’arriver en bateau. De loin, on ne verrait que quelques taches noires alignées à mi-hauteur dans ce mur de calcaire blanc qui tombe dans la mer et auquel le soleil s’accroche. Ce ne serait qu’en s’approchant que l’on finirait par deviner que ces arabesques sont en fait des trous creusés dans la falaise sur un peu plus d’un kilomètre.

Le long du littoral, ce ne sont pas les falaises qui manquent, mais nulle part ailleurs on ne retrouve des cavités de ce type. On peut aujourd’hui les visiter. Pas toutes. Une petite vingtaine seulement sont ouvertes au public dans deux sites voisins : les grottes de Matata (privées) et celles de Régulus (municipales). Les autres sont encore plus ou moins habitées, et quelques familles vivent même ici à l’année, suspendues entre le ciel et l’eau. Le Médoc est en face, à 10 kilomètres à vol de mouette. Sur la droite, on aperçoit le phare du Verdon. L’Océan est tout près, et le soleil qui s’y noie tous les soirs dans le seul bruit des eaux mêlées offre un spectacle dont même les riverains ne se lassent pas.

Les feux des naufrageurs

Ce n’est que depuis la fin du XIXe siècle qu’on a pris l’habitude d’utiliser le mot « grotte » pour désigner ces refuges. Avant, on les avait toujours appelés des trous. Les falaises datent d’environ 70 millions d’années. À l’époque, la mer se trouvait à 200 mètres au-dessus de son niveau actuel. Les vagues ont commencé à creuser la falaise. Plus tard, le vent et la pluie ont continué le travail. Beaucoup plus tard, les hommes s’y sont mis avec les moyens du bord.

Les hommes préhistoriques, dit-on, ont peut-être trouvé refuge dans ces falaises, mais personne n’en a encore découvert le moindre élément qui pourrait le prouver. Ce dont on est sûr, en revanche, c’est que ces trous ont été occupés dès les premiers siècles de notre ère avec une certaine régularité. Ils ont même servi de lieu de culte pour les protestants aux XVIe et XVIIe siècles. Meschers, ville protestante, a été attaquée en 1622 par les catholiques cinq ans avant le siège de La Rochelle. L’armée du roi a bombardé la cité, détruit le temple et endommagé l’église.

Ont-ils vraiment été utilisés par les naufrageurs ? Cela semble moins sûr. Si l’on en croit certains récits, les soirs de mauvais temps, les hommes allumaient des feux dans ces trous. Les marins qui croyaient se diriger vers un port venaient s’échouer sur les rochers au pied de la falaise. Les pilleurs d’épaves n’avaient plus qu’à se baisser pour faire main basse sur la cargaison. On ne peut pas exclure que des opérations de ce genre se soient vraiment produites ici. Il est toutefois plus vraisemblable que ces naufrageurs aient en fait été plus simplement des habitants pressés d’aller récupérer les marchandises transportées par les navires jetés sur la côte par des vents mauvais balayant l’estuaire. Ils en avaient le droit.

Hallyday et Gainsbourg

Ce n’est qu’à partir du XIXe que ces trous ont fini par devenir de véritables « maisons ». Les familles les plus pauvres avaient été autorisées à s’y installer. Elles occupaient les lieux gratuitement mais elles devaient s’engager, en échange, à en assurer l’entretien. Des planches mal jointées protégeaient vaguement les habitants de l’air du large. Dans un coin, ils creusaient une cheminée. Dans un autre, ils posaient un lit et une table. Les pièces reconstituées dans la grotte de Régulus donnent une idée de ce que devait être la vie dans la falaise à cette époque. « C’était une vie humble mais pas forcément malheureuse », assure François Faye, le responsable du site.

Le tourisme a tout changé à partir de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Pour les premiers voyageurs, riches Parisiens ou Bordelais, la visite du site était une curiosité à ne pas manquer. Les guides de l’époque vendaient la balade en promettant aux bourgeois qu’ils y verraient des gens « vivre comme au Moyen Âge ». C’était un peu exagéré, mais très dépaysant. Des guinguettes, des bars, des restaurants ont fait leur apparition. On buvait et on dansait au milieu des mouettes et des vagues. Les riches ont peu à peu remplacé les pauvres. Vivre dans une falaise avec une grande échappée vers le large avait cessé d’être une malédiction pour devenir un luxe. Après la Seconde Guerre mondiale, le restaurant de Matata a obtenu sa première étoile Michelin. Johnny Hallyday, Serge Gainsbourg, et beaucoup d’autres, sont venus y dîner. Dans les années 60, des vedettes du cinéma ou de la chanson ont même acheté des grottes pour en faire leur résidence secondaire. Des décors comme ceux-ci, même dans les films, elles n’avaient pas dû en voir souvent… Si les pauvres avaient su !

(1) Grottes de Régulus : ouvertes tous les jours. Visites guidées toutes les heures. Adulte : 4,90 €. Enfant moins de 15 ans : 3,40 €. Gratuit pour les moins de 5 ans. Grottes de Matata : ouvertes tous les jours de 10 à 19 h. Adultes : 4,90 €. Enfant moins de 15 ans : 3,40 €. Gratuit pour les moins de 6 ans.

Souterrains (6/6). La région se visite aussi sous terre. Petit tour d’horizon de quelques lieux creusés par l’homme ou les éléments. demain : Apéro à Sainte-Engrâce.

« C’était une vie humble mais pas forcément malheureuse »

Source de l'information et photographie : http://www.sudouest.fr/2013/08/22/les-trous-de-meschers-1147260-1391.php

Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité