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Archéologie poitevine
27 septembre 2013

Des tranchées de la guerre dormaient sous la forêt

Loir-et-Cher, Chambon-sur-Cisse, Dans les pas des soldats de la guerre 14-18

27/09/2013 05:46
 

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Le levé du site a permis de lire l'utilité du camp militaire. - (Photos NR, Jérôme Dutac)

C’est pour l’heure l’unique camp d’entraînement de 14-18 connu en France.  A Chambon-sur-Cisse, la forêt a protégé d’émouvantes tranchées

C'est un coin connu pour les champignons en forêt de Blois ; Alain Gauthier, habitant de Chambon-sur-Cisse, l'arpente depuis des décennies. Ce site des Sablonnières lui a toujours posé question. « Après une grosse journée d'averse dans les années 80, je pars avec des amis reconnaître une coupe de bois. Et je trébuche sur ce qui semble être un guidon de vélo. C'était en fait une baïonnette dans son fourreau ! » Alain Gauthier interroge les gens du coin : une femme se souvient que sa grand-mère parlait de soldats qui passaient ; justement sur une allée de l'ONF baptisée allée des Soldats…

 Les conscrits formés à évoluer dans les tranchées

Historien local par passion, Alain Gauthier va chercher une date et une utilité à ce qu'il sait d'ores et déjà être un site militaire. « La baïonnette était marquée de 1866. La guerre de 1870 ? J'ai cherché en vain dans les archives, sans trouver aucune trace de soldats à cet endroit. » L'historien a un autre atout en main : il est géomètre du cadastre. Il va donc entreprendre le levé du site qui court sur 3 km, pour voir ce que le plan global pourra révéler. « J'ai pu réaliser un plan au 1/500e selon la procédure de l'alignement. C'est très fastidieux et délicat, ça m'a pris près de 3 ans. On voit bien qu'il s'agit de tranchées parfaitement symétriques, avec des zones dédiées au tir, d'autres aux combats et enfin des zones de vie. » Pour réaliser cet important travail, Alain Gauthier a dû attendre d'être à la retraite. Les années ont filé et un nouveau siècle est entamé. Reste à trouver le lien historique. Ce qui va être possible quand notre historien accède aux archives privées de l'ONF, jamais déposées. « Je suis tombé sur le carnet du garde de triage Henri Perthuisot. Il note journellement sa surveillance. Il décrit par exemple en mars 1915 un incendie dû à l'imprudence d'un fumeur, certainement un soldat : " le lieu de l'incendie n'est éloigné que de 70 m de la parcelle 34 où les troupes de la garnison de Blois ont campé la nuit du 19 au 20 courant et excentré des travaux de fortification passagère (tranchées, abris etc.). » La preuve irréfutable est dans ce carnet : il s'agit bien d'un camp d'entraînement de la Grande Guerre. Dès qu'au front les soldats (du 113e basé à Blois) ont commencé à s'enterrer, les conscrits ont été formés à construire et évoluer dans des tranchées. Il devait exister des camps de ce genre près de chaque centre de garnison ; probablement recouverts dans les décennies qui ont suivi. « C'est la forêt de Blois qui a protégé ces tranchées. Et elle nous offre aujourd'hui un exemple qui semble être unique en France. Mon souhait est que l'on puisse désormais valoriser le site, pour qu'il serve la mémoire collective. »

billet Bientôt un siècle

Dans quelques mois vont démarrer les commémorations du centenaire de la guerre 14-18. Un siècle déjà, les derniers poilus ont tiré leur révérence, mais la mémoire est bien là. Et l'histoire toujours en marche. La preuve, on continue à faire des découvertes en Loir-et-Cher : les graffitis à Saint-Aignan et les tranchées d'entraînement à Chambon-sur-Cisse ou même des traces du séjour des soldats américains à Gièvres (lire page 7). Ces dernières vont même entrer dans le programme très officiel des Rendez-vous de l'Histoire à Blois, qui vont explorer le vaste champ de guerre à partir du 10 octobre. Les historiens viendront sur place écouter les vestiges de la Grande Guerre, qui sera au cœur des débats, en Loir-et-Cher. Même si on y était loin du front, la guerre a meurtri les familles et laissé des traces indélébiles.

le chiffre 2013

C'est la date qu'il a fallu attendre pour que les tranchées d'entraînement des Sablonnières à Chambon-sur-Cisse soient reconnues officiellement. La Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale leur a attribué en juillet dernier le label national centenaire. On peut imaginer que des financements vont être débloqués pour baliser le site et l'expliquer tant aux promeneurs qu'aux scolaires de la région, qui pourraient venir découvrir par eux-mêmes ce que pouvaient être les tranchées de la Grande Guerre. L'étude d'Alain Gauthier est tombée à point nommé, juste avant de le centenaire, pour donner une chance au site de devenir un lieu de mémoire.

Béatrice Bossard
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