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Archéologie poitevine
9 février 2014

Les archéologues contre les Indiana Jones du dimanche

Deux-Sèvres,  Rom, Société

09/02/2014 05:46
 
Ludovic Malécot : « On estime que 250.000 à 500.000 objets archéologiques disparaissent chaque année en France. » - Ludovic Malécot : « On estime que 250.000 à 500.000 objets archéologiques disparaissent chaque année en France. »                                                               
Ludovic Malécot : « On estime que 250.000 à 500.000 objets archéologiques disparaissent chaque année en France. »

Réunion hier au musée de Rauranum, à Rom, de l’association “ Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique ”. La cible ? Les “ détectoristes ”.

L'épisode remonte à quelques semaines. Munis de détecteurs de métaux, quatre personnes balayaient le champ avec méthode. Des promeneurs ont tout de suite compris et alerté la gendarmerie. Qui, arrivée trop tard, a tout de même pu déterminer que la voiture de ces « détectoristes  » était immatriculée… en Arménie.

On vient de loin pour fouiller les terres de Rom, cette aire archéologique où une cité gallo-romaine s'est laissée découvrir. Le sol promet encore des surprises. Ludovic Malécot, le directeur du musée de Rauranum, le sait bien qui ne s'est toujours remis du « pillage » du site en novembre 2011 : « C'était un type seul, se souvient-il. Il avait son détecteur de métaux et sa pelle américaine. Il a creusé quatre-vingt-dix trous un peu partout autour du musée… Même dans le cimetière ! »

Abasourdi par le culot du fouilleur

Abasourdi par le culot de ce fouilleur venu retourner un site de fouilles officiel, Ludovic Malécot a aussitôt adhéré à l'association nationale « Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique ». L'Happah milite notamment pour réglementer encore fermement l'usage des détecteurs de métaux (*). «Pour quelques très rares " détectoristes ", il s'agit d'un loisir : ceux-là s'amusent à chercher quelques piécettes et ça s'arrête là. Mais pour l'immense majorité, il s'agit d'une recherche beaucoup plus poussée, c'est presque une compétition, c'est à celui qui trouvera l'objet le plus rare, le plus beau… Par exemple, ce qui est très tendance en ce moment, ce sont les objets militaires de la Seconde Guerre ayant appartenu à des officiers nazis… »

Confisqués à l'humanité

Pourquoi cet acharnement des archéologues contre les fouilleurs « amateurs » ? « Nous estimons d'abord qu'ils confisquent des objets qui appartiennent au patrimoine commun de l'humanité. Ces pièces n'ont rien à faire sur une cheminée ou dans la vitrine de M. Untel. Ensuite, ces gens ne prennent aucune précaution. Or un site archéologique, c'est comme une scène de crime : il suffit qu'un objet soit déplacé ou confisqué pour corrompre l'enquête. » Ultime argument développé par l'Happah : le danger. « Les pilleurs risquent toujours de tomber sur une mine, une bombe, une grenade… qui explose. » Entre colère et frustration, Ludovic Malécot sait pourtant que les archéologues sont bien démunis face aux détectoristes. « Notre arme ? La sensibilisation. C'est la seule… » Avec l'espoir d'un durcissement de la réglementation.

nr.niort@nrco.fr

 (*) A ce jour, l'utilisation d'un détecteur doit être autorisée par la préfecture (via le service régional de l'archéologie) et motivée par une démarche scientifique.

à savoir

A qui appartient ce louis d'or ?

> En cas de découverte fortuite d'un objet (vous remarquez par hasard un objet brillant au sol, vous le ramassez et constatez que, ô veine, il s'agit d'un louis d'or), la loi dit que la moitié vous appartient, l'autre revient au propriétaire du terrain. Mais si vous découvrez un objet grâce à un détecteur de métaux (le recours à cet appareil exclut de facto l'hypothèse de la découverte fortuite), 100 % de l'objet revient au propriétaire du terrain.

> Ce que pourrait bientôt dire la loi. En 2010, la sous-direction de l'archéologie (ministère de la Culture) a remis à la ministre Aurélie Filipetti un livre blanc de l'archéologie dans lequel les archéologues proposent que tout objet découvert tombe automatiquement dans l'escarcelle de l'Etat. « Mais les détectoristes font un gros travail de lobbying, notamment auprès des députés, en mettant en avant leur contribution bénévole au travail des archéologues, la dépollution des sites, etc. Beaucoup d'élus (majoritairement de l'UMP) ont abondé dans leur sens. Mais d'autres, comme Delphine Batho ou la députée de Charente-Maritime Catherine Quéré, ne sont pas dupes et soutiennent les archéologues. »

Emmanuel Touron
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