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Archéologie poitevine
6 août 2012

Dans l'assiette des moines de Saint-Amant-de-Boixe

 

Publié le 04/08/2012 à 06h00
Par bertrand ruiz

Dans l'assiette des moines de Saint-Amant-de-Boixe

La fouille de deux dépotoirs des XIIe et XVIIe siècles a permis aux chercheurs de découvrir ce que mangeaient les moines de l'abbaye. Le menu diffère selon les époques.

Photographies voir le  site: http://www.sudouest.fr/2012/08/04/dans-l-assiette-des-moines-de-saint-amant-de-boixe-786843-1065.php

Oubliez le vieux cliché du moine ventripotent, saoulé de bière artisanale, repu de fromages et de viandes grasses. Chez les moines bénédictins, on ne badine pas avec la nourriture. D'ailleurs, on ne badine avec rien. De 988 à 1790, les moines n'étaient pas à Saint-Amant-de-Boixe pour rigoler. Mais pour prier le bon Dieu à longueur de journée. Que mangeaient-ils ? Où parvenaient-ils à trouver la nourriture censée alimenter la cinquantaine de bouches au plus fort de l'activité de l'abbaye, au XIIe siècle ?

Ces questions ont trouvé leur réponse dans… les ordures laissées par les moines dans l'enceinte même de l'abbaye. Plus exactement dans deux gros trous : l'un rempli jusqu'à la gueule depuis le XIIe siècle et l'autre comblé par les moines à partir du XVIIe siècle.

Pour faire parler les restes, le responsable de l'abbaye, Anaël Vignet, a reçu l'aide de l'archéo-zoologue Benoît Clavel, chercheur au CNRS. Et la plongée dans les reliquats de victuailles a porté ses fruits. Parmi les trouvailles, des os de toutes sortes et une impressionnante collection de vaisselle brisée, qu'Anaël Vignet s'applique à reconstituer dans l'atelier-laboratoire attenant à l'abbatiale.

Volaille avec parcimonie

« Ce que l'on peut dire, c'est qu'au XIIe siècle, on ne s'écartait pas trop de la règle de Saint-Benoît. » Une règle contraignante avec, au minimum, ses huit offices religieux quotidiens. « Saint-Benoît a bien chargé la barque, en codifiant les journées à l'extrême », constate Anaël Vignet. « Quand vous passez 80 % de votre temps à réciter des prières, vous n'avez pas le temps de laisser divaguer votre cerveau… »

Même pas l'autorisation de papoter à table. Chez les moines, le silence est d'or pendant les repas. Les tables sont disposées en « U », de telle manière qu'il est de toute façon impossible de demander le sel à son voisin d'en face. « En même temps, le réfectoire est un lieu très important dans l'abbaye. C'est la pièce de la communauté, la plus grande puisque ses dimensions correspondent à celles de l'église en vis-à-vis. Au réfectoire, on nourrit le corps et l'esprit : pendant que l'on mange, un moine de la communauté lit des textes sacrés depuis la chaire de lecture. »

Dans l'assiette, ce n'est pas vraiment folichon. Le moine ne doit surtout pas être esclave de la chère. Lors des repas frugaux quotidiens, un à trois par jour, on ingurgite, à petites doses, laitages, légumes, poissons, un peu de volailles, avec une lichette d'un vin bas coupé à l'eau, qui ferait passer du vinaigre pour du Saint-Émilion. « Et il est, évidemment, interdit de jeter. » Péché mortel que d'avoir les yeux plus gros que le ventre…

Il s'avère, cependant, que les moines ont osé la viande grasse du cochon. Mais jamais rôtie, de peur que les flammes de l'enfer ne viennent lécher les soutanes.

« On a démontré que les moines mangeaient des poissons de rivière. Les restes retrouvés nous font dire qu'il y avait de l'esturgeon en Charente à l'époque. Mais les moines consommaient aussi des poissons de mer, comme la daurade », preuve d'une vie commerciale autour de l'abbaye.

« On oublie facilement que l'abbaye n'était pas qu'un lieu où l'on priait », insiste Anaël Vignet. Les moines, qui percevaient la dîme, pratiquaient l'activité de banque, commerçaient et géraient des terres qui, en plus de produire la nourriture essentielle à la survie de la communauté, vont faire de l'abbaye une puissance économique centrale. Exemple : quand un seigneur part en croisade, la communauté monastique gère ses terres en son absence. Et si l'intéressé ne revient pas, « c'est jackpot pour l'abbaye ». Ainsi, au XIIe siècle, l'abbaye est le premier propriétaire foncier, de la forêt de la Boixe jusqu'à Angoulême.

Après, tout se gâte. « À la fin, en 1790, les moines n'étaient plus que cinq à vivre ici. » Depuis longtemps, la règle bénédictine stricto sensu a été remisée au fond du placard, comme en attestent les traces de cuisson relevées sur la vaisselle d'époque. « On a même trouvé des os de dinde, un mets rare. Cela ne faisait pas si longtemps que l'on avait découvert l'Amérique. » Saint-Benoît en aurait la nausée…

L'abbaye de Saint-Amant-de-Boixe se visite cet été, du mardi au dimanche. Renseignements sur : http://abbaye.saintamantdeboixe.fr

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