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Archéologie poitevine
19 avril 2013

Mille ans d'histoire pèsent sur les épaules du châtelain

mercredi 17 avril 2013  
    
Lionel de La Haye Saint-Hilaire vient de léguer un trésorà la ville de  Fougères : 11 000 documents qui retracent l'histoire de sa famille,  vieille de 900 ans, mais aussi de la région. Cet ancien colonel, qui  vit au château familial depuis ses 47 ans, est taraudé par la question,  cruciale, de sa succession.

Ne pas tomber dans l'oubli. Voilà la principale motivation de Lionel de La Haye Saint-Hilaire. Le châtelain vient de léguer à la ville de Fougères (Ille-et-Vilaine) les archives de sa famille. Un trésor de 11 000 documents. Dont le plus ancien remonte à 1253.

On y trouve des actes signés par Louis XIV, Louis XVI ou Colbert. Et même une bulle papale. « Je ne voulais pas que ces archives fassent l'objet d'un partage après mon départ, souffle l'homme de 92 ans. Je m'en serais voulu si elles avaient été disséminées chez des brocanteurs. » Car les histoires qui en surgissent sont infinies.

Celles de sa famille, d'abord. Voilà 900 ans que les de La Haye vivent sur les mêmes terres. Un château situé à Saint-Hilaire-des-Landes, à 10 km de Fougères. « Une famille presque millénaire, c'est raremais pas unique, rappelle l'association d'entraide à la noblesse de France. En revanche, avec une si longue présence dans un même lieu, on ne doit pas être loin de l'exception. »

Il y a aussi l'histoire de Fougères. Comme cette lettre de remontrance, écrite par les Fougerais au duc de Mercœur, alors gouverneur de Bretagne. Le comportement de troupes stationnées en ville et au château excède alors la population.

Lionel de La Haye Saint-Hilaire vit au château familial depuis ses 47 ans. « Peu de mes ancêtres ont dû hériter du domaine aussi jeunes », fait remarquer l'homme, qui a compté jusqu'à dix frères et soeurs. Peu loquace sur son histoire personnelle, repoussant toute question de son élégance aristocratique, le châtelain préfère mettre en avant l'histoire de sa famille.

Puis, assis dans son fauteuil, dans la salle de réception, il finit par narrer les anecdotes qui font de son parcours une aventure. Parfois aidé de son épouse, discrète mais facétieuse. « Mon père m'a choisi pour successeur. J'en ai été le premier étonné. » Lionel de La Haye Saint-Hilaire est alors militaire. « J'ai été interné résistant. J'ai été dans les Forces françaises libres. Puis j'ai combattu en Afrique, débarqué en Provence. Servi en Indochine et en Algérie... » Avant de prendre sa retraite militaire pour s'occuper du bien familial. « Un lourd héritage. »

« Tout est dans la main de Dieu »

Le colonel revient donc à la vie civile. « Je suis devenu inspecteur des assurances. Ici, il y avait tout à faire. On ne disposait ni d'eau, ni d'électricité. Cette vie de château, je l'ai payée de ma peine et de mon argent. Je n'ai pas mené la vie que j'imaginais, faite de voyages par exemple. »

Hors de question de laisser le château tomber en ruine. « Petit, j'ai joué dans tous les coins de la propriété. Je l'aime profondément. Il faut ça pour en prendre la charge. » Lui et son épouse, rencontrée en Indochine lorsqu'il était militaire et elle infirmière, ne reculent pas devant la tâche. « Nous étions vigoureux. »

Le résultat est sans appel. Les lieux, majestueux. Habitation principale en pierres taillées, tour, pont-levis, chapelle où est enterrée une partie de sa famille... « La propriété n'a rien à voir avec celle du XIIIe siècle. Ce ne devait être qu'une bâtisse en bois, reconstruite en dur à partir du XIVe. Puis mes aïeux ont bricolé quelque chose les siècles passant », conte avec plaisir l'homme longiligne au milieu de la cour.

« L'ancien colonel est passionné, décrit Jean Hérisset, responsable des archives municipales de Fougères. Il autorise les curieux à avancer jusqu'aux portes de la propriété et narre parfois le passé des lieux à des groupes de passage. »

Cet attachement pour l'histoire et le château de sa famille ne quittera jamais Lionel de La Haye Saint-Hilaire. Un homme encore vaillant mais inquiet pour le devenir de ce patrimoine. D'où son questionnement sur sa succession. Un sujet « délicat »...

« Le père de Lionel de La Haye Saint-Hilaire l'avait choisi comme héritier parce que Lionel n'avait qu'un fils. La succession ne devait donc pas poser de problème », explique Jean Hérisset. Mais voilà six ans que ce fils est décédé. Qui pour prendre le relais ? L'une de ses deux filles ? « J'aimerais que ce soit un garçon », reconnaît-il. Tradition oblige. Ses petits-enfants ? « Trop jeunes ou peut-être pas assez attachés à la propriété. » L'un de ses frères encore en vie ? Probablement, plutôt, un de ses neveux.

« Au cours des siècles, mes aïeux se sont déjà demandé ce qu'allait devenir le château. Il faut en vouloir de cette vie monacale. Tout est dans la main de Dieu, insiste l'ancien colonel, à la foi débordante. Je n'espère qu'une chose, que vive le domaine de la Haye. »

 

Florent HÉLAINE.
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