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Archéologie poitevine
4 janvier 2009

L'archéologie préventive au centre des questions économiques

Lu sur HNS-info

Nouveaux coups de boutoir contre l’archéologie préventive

Décidément, ceux qui attrapent des crises d’urticaire dès qu’ils entendent prononcer le mot « Archéologie » ne désarment pas. Selon la bonne vieille formule « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », tout est fait pour rendre inopérant, par petites touches successives, le dispositif actuel de l’archéologie préventive. Profitant de la crise économique, ils pourfendent l’archéologie préventive, ce « frein à l’installation d’entreprises en France » dont ils dénoncent les « abus », la « lenteur », leur « coût astronomique », Les agents des services régionaux de l’archéologie, bien qu’ils doivent faire face, depuis 2002, à un doublement des dossiers d’aménagement, ont beau mieux cibler leurs prescriptions de diagnostic (elles sont passés de 14,9 % en 2002 pour moins de 7% aujourd’hui), les fouilles préventives n’ont beau concerner que seulement 1,5 % des aménagements, rien n’y fait !

Le gouvernement se refuse à doter son opérateur public, l’Inrap, des moyens suffisants à l’accomplissement de ses missions. Après avoir accepté dès 2002 avec un amendement à la loi de 2001 qui diminuait de 25% la redevance perçue par l’INRAP sur les chantiers, il procède à son démantèlement en délocalisant arbitrairement son siège à Reims, sans que cette décision ait le moindre lien avec une quelconque logique interne d’amélioration du service public. Cerise sur le gâteau, pour faire face à des opérations exceptionnelles, comme le canal Seine-Nord Europe, il entend créer un nouveau type de contrat, dont la durée serait liée à celle des opérations. Tout en s’efforçant d’augmenter le nombre des opérateurs privés censés faire rentrer l’archéologie dans le champ concurrentiel.

De leur côté, un nombre croissant de sénateurs, qui cumulent les casquettes d’élus et d’aménageurs, ont profité de l’examen du budget pour faire entendre leur voix.

Les plus sérieux tentent de trouver des solutions pour pallier l’arrêt des chantiers du à l’insuffisance des ressources de l’INRAP et, accessoirement, renflouer le fonds national d’archéologie préventive (FNAP), qui recueille 30 % du produit de la redevance et finance essentiellement les fouilles des petites communes. Ainsi, lors de l’examen du budget de la Culture, deux sénateurs (un UMP et un socialiste) ont fait adopter, dans la nuit du 6 au 7 décembre, à l’unanimité des rares sénateurs présents, un amendement visant à augmenter le taux et le tarif de la redevance d’archéologie préventive. Sous réserve des multiples exceptions existantes, le taux de la taxe locale d’équipement versé au titre de la redevance passerait de 0,3 % à 0,6 % pour les opérations autorisées par le code de l’urbanisme. Pour les opérations prévues par le code de l’environnement, le tarif passerait de 0,41 euro par m² à 0,60 euro. Si cet amendement a reçu l’aval de la commission des affaires culturelles du Sénat, celle de la commission des finances a émis de nombreuses réserves, son président, Jean Arthuis, estimant souhaitable de réexaminer la législation applicable en matière d’archéologie préventive.

Les sénateurs les plus rétifs font en effet preuve d’ingéniosité pour ouvrir de nouvelles brèches dans le dispositif des fouilles d’archéologie préventive. C’est ainsi que le sénateur de la Somme, Daniel Dubois, avec la complicité de Christine Boutin, a fait adopter, lors de l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, un amendement prévoyant que "si dans les six mois qui suivent l’arrêté d’autorisation de fouilles sur des terrains destinés à la construction de logements sociaux aucune opération de fouilles n’a été engagée, l’autorité administrative prononce le retrait de l’autorisation". Lors d’une séance de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire (2 décembre), Pierre Gosnat a proposé en vain le retrait de cet amendement en mettant l’accent que cette disposition risque d’entraîner la disparition d’une bonne partie des fouilles archéologiques. Il nous faut désormais compter avec l’amendement « de Montgolfier », adopté avec la complaisante bienveillance d’Eric Worth. Il intime au gouvernement le soin de présenter, avant la fin du premier semestre 2009, un rapport au Parlement sur l’opportunité de fixer un délai maximum pour la réalisation des fouilles archéologiques faisant suite à des diagnostics. Comme s’il était possible de préjuger par avance du résultat.

Dans un récent communiqué, nous pronostiquions qu’à terme, les lobbys demanderaient probablement l’extension de cet amendement à l’ensemble des projets d’aménagement. Nous avions hélas raison. Profitant cette fois de l’examen du projet de loi « pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés », Michel Piron, député du Maine et Loire, a fait adopter, par la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, un amendement en vue d’étendre l’application des délais de 6 mois pour l’engagement et 18 mois pour l’achèvement des fouilles du secteur du logement social …. à l’ensemble des opérations d’aménagement ! Pour ne pas être en reste, sa collègue Laure de la Raudière, députée d’Eure-et-Loire, s’attaque aux services régionaux de l’archéologie. Son amendement ramène de un mois à 21 jours le délai imparti pour prescrire la réalisation d’un diagnostic archéologique, et de trois mois à deux mois celui pour prescrire la réalisation de fouilles. Couper les mains des « prescripteurs » eut été plus sûr !

Ces mesures doivent encore être adoptées en séance publique lors de l’examen du projet de loi début 2009. Si c’était le cas, c’est le champ libre laissé aux promoteurs et aménageurs –publics ou privés- pour détruire à grande échelle notre patrimoine archéologique.


Dans le même temps, la presse régionale (il est vrai toujours très liée aux élus - pour ne pas dire plus) se range parfois du côté des détracteurs de l'archéologie préventive.

Exemple dans la Dépêche du 3 janvier 2009 :

Rodez. Les fouilles paralysent les chantiers urbains

Béteille, Bonal et bientôt foirail, les projets en ville freinés et grevés par l'archéologie.

Impatients s'abstenir. L'histoire, et le sous-sol de la ville de Rodez impliquent à chaque chantier d'ouvrir une opération d'archéologie préventive. Bien sûr, la loi, et la nécessité de préserver d'éventuelles découvertes l'imposent. Mais résultats des courses : certains travaux prennent du retard, ce qui ne réjouit pas les entreprises. La cause n'est pas unique, cependant la nouvelle clinique de la rue Béteille sortira de terre six mois plus tard que prévu. L'îlot Bonal prendra aussi son lourd contingent de mois supplémentaires. Quand au terrain du foirail sur lequel il va falloir aussi creuser, pour le parking comme un jour pour le musée, les techniciens craignent le pire : le terrain a jadis été remblayé par l'armé pour servir de champs de tir à un régiment d'artilleurs… Là, les fouilles impliquent un autre type de risque : tomber sur un obus ou un quelconque élément d'un engin de tir. Le problème s'est déjà posé ailleurs et a impliqué de lourdes et coûteuses opérations de sécurité. Décidément, construire n'est pas simple. Surtout au centre ville.

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