Vilhonneur (16), grotte du Visage : quand une affaire en cache une autre !
Gérard Jourdy a-t-il doublé ses compagnons d'exploration en déclarant avoir découvert la grotte ornée ? Oui, répond la Fédération française de spéléologie.
SUD-OUEST - Edition du 29-01-2011
Vilhonneur, petite commune du canton de La Rochefoucauld, abrite une grotte dont les peintures sont plus anciennes que celles de Lascaux. Il y aurait ici un visage humain stylisé, summum de l'art pariétal. Un visage dont le modèle, disparu il y a environ 27 000 ans, se moque éperdument des soubresauts médiatiques actuels !
Découverte en décembre 2005, la grotte ornée de Vilhonneur a fait couler beaucoup d'encre et de salive. La première affaire s'est terminée à la fin décembre 2010 devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, dont l'arrêt a résonné comme un coup de tonnerre dans le petit monde de l'archéologie. La justice a en effet considéré que l'État n'était plus chez lui dans la précieuse cavité. Le dossier ira-t-il jusqu'au Conseil d'État ? À suivre…
Un blâme
La deuxième affaire agite le petit monde de la spéléologie. Selon un courrier dont « Sud Ouest » a reçu copie, l'organe disciplinaire de première instance de la Fédération française de spéléologie (FFS) a retiré la licence et donné un blâme à Gérard Jourdy, retraité domicilié à Brie considéré comme l'inventeur de la grotte ornée de Vilhonneur.
Selon la FFS, M. Jourdy « a sciemment spolié ses compagnons d'exploration du bénéfice de leurs travaux et découvertes ». Il aurait ainsi bénéficié « d'une gloire toute personnelle » malgré « un comportement contraire à la déontologie spéléologique ». L'organe disciplinaire affirme, par ailleurs, que M. Jourdy a cherché les honneurs de la presse sans en référer aux six autres spéléologues avec qui il faisait équipe.
À l'époque, Christophe Prédesly était vice-président de l'Association spéléologique charentaise. Témoignage : « Cela faisait de longs mois que cette équipe explorait les cavités de Vilhonneur. Le jeudi 1er décembre, le groupe a trouvé des ossements et savait qu'il y avait ''quelque chose'' un peu plus loin. M. Jourdy - dont le comportement n'était pas toujours très respectueux - y est retourné le lendemain. Seul. »
La suite ? C'est Pierre Vauvillier, l'animateur du petit groupe de spéléologues qui la raconte : « Oui, il y a eu des accrochages avec M. Jourdy. Le samedi 3 décembre, nous avons découvert un article dans la presse. M. Jourdy y parlait de Vilhonneur et s'y mettait en avant. Nous nous sommes fâchés et notre collaboration s'est arrêtée là. Le jeudi suivant - c'était le 8 décembre -, nous avons trouvé les peintures pariétales. Le lendemain, M. Jourdy nous doublait et se déclarait inventeur auprès du service régional de l'archéologie. »
Contacté hier, au téléphone, Gérard Jourduy déclare que le blâme et les accusations de la FFS le laissent « indifférent ». Témoignage : « Je suis de bonne foi. Vous savez, j'ai passé plus de deux heures au téléphone avec le conciliateur de la Fédération française de spéléologie […]. Ceux qui m'accusent n'ont aucune preuve. Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. J'ai été reconnu inventeur de la grotte par le ministère de Culture, un point c'est tout. Tout ça, toutes ces attaques, ce sont de vieilles histoires de jalousie. Peut-être que tous ces gens voulaient toucher la récompense ! »
« Pas de procédure pénale »
Nous y voilà : la récompense. Une somme d'argent versée par l'État, en vertu de l'article 66 du décret n° 2004-490, qui prévoit que « l'inventeur d'un vestige immobilier découvert fortuitement » peut bénéficier d'une gratification dont le montant est fixé par le ministre de la Culture. Combien M. Jourdy a-t-il touché ? L'intéressé ne dit mot, considérant cette information confidentielle.
Réuni le 4 septembre à Lyon, l'organe disciplinaire de la FFS s'est déclaré « incompétent pour statuer sur le bénéfice financier obtenu par M. Jourdy et lié à sa déclaration, en son nom personnel, auprès de l'administration de l'État ».
Chez ses anciens camarades, on ne souhaite pas, non plus, aborder trop précisément cette question. « Pour l'heure, les conditions de la découverte de Vilhonneur n'intéressent que la Fédération française de spéléologie. Il n'y aura pas de procédure pénale », assure Pierre Vauvillier.