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Archéologie poitevine
27 septembre 2013

Un immense camp américain pousse à Gièvres en 1917

Loir-et-Cher, Gièvres, Noyers-sur-Cher, Romorantin-Lanthenay, Dans les pas des soldats de la guerre 14-18

27/09/2013 05:38
Un très important camp d'aviation se trouvait du côté de Pruniers. Pour cette cérémonie, on voit, mélangés, des soldats américains et français, et même des élégantes !                      
Un très important camp d'aviation se trouvait du côté de Pruniers. Pour cette cérémonie, on voit, mélangés, des soldats américains et français, et même des élégantes !

Pour assurer le maintien de 2 millions de soldats américains en France, c’est un camp extraordinaire de 145 hectares qui a poussé de toutes pièces à Gièvres.

Le 7 mai 1915 du côté de l'Irlande, le sous-marin allemand qui coule le paquebot Lusitania n'a pas le nez creux. Au moins 128 touristes américains vont aux poissons, scandalisant les esprits outre-atlantique.

Plus tard, les Allemands déclarent la guerre sous-marine à outrance. Une certaine idée de la liberté et de la démocratie achève de faire basculer les USA dans le camp français. « L'Amérique doit donner son sang pour les principes qui l'ont vu naître » résume le président Wilson. Certes, des Américains ne l'avaient pas attendu pour s'engager dans le conflit à titre personnel. Notamment les aviateurs de l'escadrille La Fayette, souvenir si cher au cœur des « Sammies ». Par dizaines de milliers les Américains affluent dans les ports d'Atlantique et de Méditerranée. Il faut les nourrir et les équiper avant leur départ vers le front. C'est pourquoi existent des camps de transit, et le plus grand d'entre eux se trouve à Gièvres.

Une ville

Commençons la visite par la base aérienne de Pruniers, dite D273, où nous accueille le responsable de la communication, Jean-Dominique Métais, et Nicolas Xavier, un militaire que passionne l'histoire. « La vocation aéronautique du site de Romorantin commence en 1911 avec les vols de démonstration des " pionniers " (Daucourt, Gilbert). Peu avant la fin de la guerre, les Américains installent un centre d'assemblage d'avions dont les pièces détachées sont acheminées depuis les États-Unis. La capacité de montage est de 500 avions par mois. » Cet énorme « garage » s'occupe également d'avions français et britanniques. À côté se trouve un immense dépôt de matériels sur les communes de Gièvres, Pruniers et Selles-sur-Cher. Cet entrepôt ravitaille l'ensemble du corps expéditionnaire américain, soit 2 millions d'hommes répartis des Flandres à l'Italie. On note particulièrement la présence d'une énorme usine frigorifique capable de traiter 8.000 tonnes de viande ! Un wagon musée, pour l'instant en rénovation, expose des objets usuels de cette époque. Le camp est autonome, allant jusqu'à faire soi-même sa sciure de bois, et à posséder deux cimetières provisoires. Les riverains s'étonnent de ces soldats avec Cadillac et side-cars. Cette présence provisoirement joyeuse n'est pas sans de discrets rapprochements amoureux, ni sans toasts portés à la victoire ! Cette armée d'Amérique où la prohibition pointe son nez n'est pas mécontente de boire un coup ! Près de 200 cafés se créent dans le coin, dont cinquante rien qu'à Gièvres ! Certains héros ne manquent pas de se rendre à la « Porte de fer ». Symbole des armées en campagne, c'est le claque qui a vu le jour à Romorantin, l'Iron Gate !

point de vue: Émouvant

Graver son nom sur une pierre, comme pour laisser une trace de son passage, sur terre… Ils venaient des Rocheuses du Montana, ou des plaines de l'Oklahoma, pour finir dans la boue des tranchées… Que sont devenus ces jeunes hommes ? Ces W.J. Willis de Californie, T.W. Abbot, Peter Musso (Ohio), W.E. Gilbert ou H. Burman ? Il existe un monument au soldat inconnu, érigé au-dessus d'une tombe au cimetière d'Arlington, à Washington. Une chose est probable, vue la ségrégation qui régnait à cette époque, il y a peu de chances que l'Inconnu américain soit Noir ! Pas plus que ne dort à l'Étoile un tirailleur sénégalais… Qu'importe  : Anglais, Américains, Français, Australiens, Allemands, la boucherie cannibale les a brassés dans une ultime fraternité.

le chiffre: 12.000

C'est en m2 la superficie de l'incroyable usine frigorifique qui fournit des millions de rations aux soldats sur le front ou en instruction. Mais comment ne citer qu'un seul chiffre pour ce monstre du génie américain ? Le GISD (General intermediate supply depot), c'est 13 km de long et 3 de large. On y compte 213 km de voies ferrées, 555 aiguillages, 200 hangars, 8.000 tonnes de viande, 480 baraquements pour plus de 20.000 hommes.« Aucune autre place ne m'a donné une telle impression de prodigieux travail », s'écriera le général Pershing.

en bref: Vive la mariée !

Si les Français tentent bien de gruger un peu les Américains, et que ceux-ci peuvent se montrer turbulents, les relations prennent parfois un air plus œcuménique ! Ainsi, dès 1917, on célèbre 4 mariages franco-américains à Romorantin. Ce sera 26 en 1919 (et 21 à Gièvres). A Gièvres, justement, François Poinclou et Guy Toyer veillent sur le souvenir de cette époque. Le 3 octobre 1987, une cérémonie grandiose et populaire, avec participation de l'ambassade américaine, a marqué les 70 ans du camp. « On était tous Américains ! »

Alain Vildart
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